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Vive (de Joséphine Chaffin)
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À Avignon, une scène qui ressemble à un tribunal, un tribunal qu’éclaireraient des lumières de ring. Une petite fille de sept ans qu’émerveillent les alexandrins y apprend Le Loup et l’agneau. Agneau, elle l’est, agneau dont le loup-père abuse (curieux euphémisme), abuse pendant des années, toutes les années d’école, avant qu’elle ne le morde.
Il y a lui, l’ogre, restaurateur étoilé, grand maître des plaisirs de la bouche et de la chair fraîche, lui qui abuse de sa fille comme on le dirait d’une boisson. Et puis il y a les autres : la soeur qui ne ne voit ni n’entend rien et pourtant c’était la même chambre à quelques mètres à peine ; la mère qui refuse de croire sa fille quand, après des années d’enfouissement dans les oubliettes de l’esprit, la blessure des viols soudain resurgit ; le grand-père qui devinait parce que cela s’est déjà passé et qui pourtant n’a rien dit.
Il y a elle, il y a lui, lui aussi et elle encore, il y en a tant et tant… Dans son plaidoyer l’avocat rappelle qu’en France, en 2024, une personne sur dix est victime d’inceste, que l’inceste est une pratique courante, un crime de masse. Et on sait qu’il n’y a pas que les chefs cuisiniers qui soient ogres, qu’ils sont légion, les pères abuseurs (car ce sont surtout des pères, mais pas seulement), et dans tous les milieux. Ce père est d’ailleurs joué par le même acteur que l’avocat, la mère et la soeur par la même actrice que celle qui incarne la psychologue expliquant le néant dans lequel tombent les victimes, et c’est le grand-père trop silencieux qui revêt parfois la robe rouge bordée d’hermine du président de tribunal déclamant au nom de la loi. Entre l’un et l’autre de ces personnages, de ces facettes, de ces moments peut-être, entre les accusés et le public, le public et les complices, il y a si peu d’écart : qui peut se croire à l’abri ? C’est pourquoi, avec le père, est jugé le silence, et avec lui cette acceptation, sociale, bien ancrée, des secrets de famille, des proches qui se taisent, des choses qui ne se disent pas même quand on les soupçonne. L’inceste et le viol sont aussi (pas seulement, bien sûr) histoire de société.
Revient-il à nos mémoires des souvenirs familiers ? À la fin de la pièce, beaucoup, dans la salle, cette salle de spectacle devenue salle d’audience, pleuraient. C’est fou la capacité du théâtre à réveiller la braise sous la cendre, le souvenir et l’émotion sous les couches accumulées de honte, de déni, d’effroi et de dégoût ; c’est fou, la vertu cathartique du théâtre, son pouvoir libérateur.
Dans les corps, dans les voix, dans le souffle et la sueur, dans la présence physique des comédiens, la chorégraphie, la musique, la lumière, quelque chose surgit que le texte recélait mais qu’il ne suffisait pas à faire voir. Quelque chose surgit et nous envoie bouler.
Merci à Clément Carabédian, Estelle Clément-Bealem, Hermine Dos Santos, Patrick Palmero qui donnent existence à Vive, cette pièce de Joséphine Chaffin qu’on peut voir, dans le cadre du festival off, au Théâtre du train bleu
Cet article Vive (de Joséphine Chaffin) est apparu en premier sur Aldor (le blog).
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À Avignon, une scène qui ressemble à un tribunal, un tribunal qu’éclaireraient des lumières de ring. Une petite fille de sept ans qu’émerveillent les alexandrins y apprend Le Loup et l’agneau. Agneau, elle l’est, agneau dont le loup-père abuse (curieux euphémisme), abuse pendant des années, toutes les années d’école, avant qu’elle ne le morde.
Il y a lui, l’ogre, restaurateur étoilé, grand maître des plaisirs de la bouche et de la chair fraîche, lui qui abuse de sa fille comme on le dirait d’une boisson. Et puis il y a les autres : la soeur qui ne ne voit ni n’entend rien et pourtant c’était la même chambre à quelques mètres à peine ; la mère qui refuse de croire sa fille quand, après des années d’enfouissement dans les oubliettes de l’esprit, la blessure des viols soudain resurgit ; le grand-père qui devinait parce que cela s’est déjà passé et qui pourtant n’a rien dit.
Il y a elle, il y a lui, lui aussi et elle encore, il y en a tant et tant… Dans son plaidoyer l’avocat rappelle qu’en France, en 2024, une personne sur dix est victime d’inceste, que l’inceste est une pratique courante, un crime de masse. Et on sait qu’il n’y a pas que les chefs cuisiniers qui soient ogres, qu’ils sont légion, les pères abuseurs (car ce sont surtout des pères, mais pas seulement), et dans tous les milieux. Ce père est d’ailleurs joué par le même acteur que l’avocat, la mère et la soeur par la même actrice que celle qui incarne la psychologue expliquant le néant dans lequel tombent les victimes, et c’est le grand-père trop silencieux qui revêt parfois la robe rouge bordée d’hermine du président de tribunal déclamant au nom de la loi. Entre l’un et l’autre de ces personnages, de ces facettes, de ces moments peut-être, entre les accusés et le public, le public et les complices, il y a si peu d’écart : qui peut se croire à l’abri ? C’est pourquoi, avec le père, est jugé le silence, et avec lui cette acceptation, sociale, bien ancrée, des secrets de famille, des proches qui se taisent, des choses qui ne se disent pas même quand on les soupçonne. L’inceste et le viol sont aussi (pas seulement, bien sûr) histoire de société.
Revient-il à nos mémoires des souvenirs familiers ? À la fin de la pièce, beaucoup, dans la salle, cette salle de spectacle devenue salle d’audience, pleuraient. C’est fou la capacité du théâtre à réveiller la braise sous la cendre, le souvenir et l’émotion sous les couches accumulées de honte, de déni, d’effroi et de dégoût ; c’est fou, la vertu cathartique du théâtre, son pouvoir libérateur.
Dans les corps, dans les voix, dans le souffle et la sueur, dans la présence physique des comédiens, la chorégraphie, la musique, la lumière, quelque chose surgit que le texte recélait mais qu’il ne suffisait pas à faire voir. Quelque chose surgit et nous envoie bouler.
Merci à Clément Carabédian, Estelle Clément-Bealem, Hermine Dos Santos, Patrick Palmero qui donnent existence à Vive, cette pièce de Joséphine Chaffin qu’on peut voir, dans le cadre du festival off, au Théâtre du train bleu
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