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Marylise Léon, une coureuse de fond à la tête de la CFDT

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À 46 ans, elle s’apprête, le 21 juin, à prendre la tête du premier syndicat de France. En tant que secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon succèdera à Laurent Berger qui passe la main après plus de dix ans en première ligne. Le choix de la continuité.

Son arrivée à la tête de la CFDT n’est pas une surprise : elle était la numéro deux de Laurent Berger depuis le congrès de Rennes en 2018. À l’époque, elle est élue par les adhérents avec 97,97% des suffrages. C'est à peine moins que les 99% qu’elle avait obtenu quatre ans plus tôt lorsque, à 37 ans, elle était devenue secrétaire nationale en charge des questions industrielles. Elle est alors la mieux élue des dix membres de l’instance dirigeante de la CFDT.

Marylise Léon connaît bien l’industrie. Elle est titulaire d’un DESS « Qualité chimique et biologique des atmosphères », l’équivalent d’un master. Après ses études, elle rejoint un cabinet de conseil où elle travaille sur les questions de sécurité environnementale en entreprise. Une période au tout début des années 2000, marquée par l’explosion accidentelle de l’usine AZF de Toulouse, le 21 septembre 2001. L’événement met au cœur des débats la question de la sécurité, notamment environnementale, des sites industriels. Deux ans plus tard, consciente de ses lacunes, la fédération chimie-énergie de la CFDT lui demande de former les militants sur ces questions.

Sensibilisée très tôt aux questions d’environnement

Un parcours qui la sensibilise aux questions d’environnement et de transition climatique quand celles-ci n’étaient pas encore à la mode. « Si on veut changer l’économie, la mettre au service de l’écologie et de la lutte contre les injustices sociales, ça ne peut pas être "fromage ou dessert", expliquait-elle en 2020. Ce qui veut dire qu’on va être confronté à des dilemmes : lorsque vous avez des secteurs entiers carbonés qui doivent aller vers une transition écologique, il va y avoir des enjeux en termes d’emploi et de travail. » La solution, veut-elle croire, c’est « la qualité du dialogue social » pour « associer les gens aux décisions qui les concernent ». Sa philosophie. En 2015, en amont de la COP21, la conférence de l’ONU sur le climat qui se déroule à Paris, elle publie même un article académique détaillant une « approche syndicale du Développement durable ».

Marylise Léon prendra la tête du premier syndicat de France le jour du solstice d’été. Comme le symbole d’une page qui se tourne après un hiver et un printemps social bouillants. Une période que Laurent Berger a résumée d’une formule quasi oxymorique : « Une défaite productive. » D’un côté, les syndicats sortent vaincus : la réforme des retraites est passée, sans vote à l’Assemblée nationale, dans la douleur, mais elle a été adoptée et à partir de septembre, elle va s’appliquer. De l’autre, cela fait longtemps que les syndicats n’avaient pas été aussi populaires, ils engrangent à nouveau des adhésions et surtout, ils ont réussi à bâtir une intersyndicale solide. Et c’est en partie grâce au travail de Marylise Léon.

Construire l’intersyndicale sans coup fourré

« Marylise a été en responsabilité pour conduire l’intersyndicale contre la réforme des retraites pour la CFDT et moi, j'avais ce rôle pour la CGT », explique Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT. Toutes les deux se connaissent donc très bien. « Nous avons des relations de confiance, très amicales. Elle avait la détermination de construire l’intersyndicale de manière franche et sans coup fourré. » Même son de cloche chez Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) : « On connaît très bien Marylise, elle a fait la preuve d’une grande ouverture d’esprit. C’est quelqu’un qui est prêt à discuter autant que Laurent Berger. Je ne doute pas qu’on aura avec elle la même capacité à travailler sur ce qui nous unit. »

L’échec de la mobilisation à faire reculer le gouvernement va-t-il créer des brèches dans l’intersyndicale ? On a pu entendre, notamment dans les manifestations ou au sein des fédérations, certains et certaines regretter que l’intersyndicale n’ait pas fait le choix de durcir le mouvement. Début mars, quand les responsables syndicaux appellent à « mettre la France à l’arrêt », Marylise Léon temporisait aussitôt : « L’idée n’est pas de bloquer la France mais de bloquer cette réforme. » Les mauvaises langues en ont déduit que c’est la CFDT qui freinait des quatre fers.

Critique balayée par Catherine Perret : « Il n’y avait pas de divergence majeure sur la stratégie des luttes, assure-t-elle aujourd’hui. Le 7 mars, l’ensemble des 13 organisations, toute l’intersyndicale a appelé à la grève. De mémoire de syndicaliste, ce n’était jamais arrivé. Mais force est de constater qu’on n’a pas réussi à mettre le pays à l’arrêt. » Dans ces conditions, impossible selon elle de « passer un cap supplémentaire ». L’arrivée de Marylise Léon à la tête de la CFDT, tous ceux à qui nous avons parlé en sont convaincus, est au contraire le gage de la continuité, y compris dans le dialogue intersyndical.

Une succession préparée de longue date

Laurent Berger la prépare à sa succession depuis longtemps. C’est en tout cas l’impression qu’a eu François Rebsamen. En 2014, il était le ministre du Travail de François Hollande. À ce titre, l’ex-socialiste a souvent rencontré les syndicats, notamment pour les négociations sur la rénovation du dialogue social entre le Medef et les représentants des salariés. Il se souvient que Marylise Léon accompagnait presque toujours Laurent Berger, et il a eu l’impression d’assister à un début de transmission. « C’est une femme précise dans ses propositions, sincère et qui cherche toujours des solutions », se souvient l’actuel maire de Dijon.

« Malheureusement à l’époque, je ne veux pas dire du mal, mais on avait un responsable du patronat, Pierre Gattaz, qui était particulièrement difficile à bouger. Mais avec opiniâtreté elle est tout de même parvenue à obtenir des avancées. Au prix de compromis, mais c’est ça le sens de la négociation et c’est bien l’esprit de la CFDT. » Laurent Berger, lui-même est « serein » au moment de passer la main. Il l’a dit à RFI lors de la dernière grande manifestation contre la réforme des retraites, le 6 juin 2023. « C’est une grande militante, une responsable aguerrie, elle a de l’expérience : elle est prête, assure-t-il. C’est la vie d’une organisation démocratique normale de passer la main de façon apaisée. Moi je suis très fier que la CFDT soit capable de le faire et d’avoir demain une secrétaire générale. »

Plus de 20 ans après Nicole Notat, une femme à la tête de la CFDT

Pour la CFDT, ça n’est pas une première : de 1992 à 2002, Nicole Notat avait dirigé le syndicat, accompagnant aussi son virage « réformiste ». « Nous étions un peu précurseurs, rappelle Evelyne Rescanières, secrétaire générale de la Fédération CFDT Santé Sociaux. Aujourd’hui, nous avons un peu plus de femmes que d’hommes adhérents, donc c’est un juste retour des choses. » Elle n’est pas non plus inquiète de voir Laurent Berger passer la main. « Marylise est dans le paysage depuis longtemps, elle est bien identifiée des adhérents, elle a un bon contact avec les militants et les structures. On se doutait que ça allait se passer comme ça et c’est plutôt rassurant de pouvoir organiser une transition sereine dans un contexte social compliqué. »

Son arrivée, après celle - plus agitée - de Sophie Binet à la tête de la CGT, va aussi contribuer à dépoussiérer un peu une intersyndicale encore trop masculine. « Je n’étais pas très fier d’être sur des photos où il y avait beaucoup d’hommes et peu de femmes, reconnaît au micro de RFI Benoît Teste de la FSU. C’est une très bonne chose que l’intersyndicale se féminise et qu’on puisse donner une image un peu plus normale de ce qu’est la société et le syndicalisme. »

« Les syndicats sont sortis de leurs grottes préhistoriques », s’amusait elle-même Marylise Léon. Et si « le combat syndical n’est pas un sprint mais une course de fond », pour reprendre une formule de Laurent Berger, il n’y a pas de quoi l’effrayer : la course à pied, elle connaît. Sur internet, on trouve encore la trace de ses performances passées. En 2018, par exemple, elle a couru le semi-marathon de Paris en 2 heures, 5 minutes et 24 secondes. Dans quelques jours, commence pour elle une course de plus longue haleine encore.

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À 46 ans, elle s’apprête, le 21 juin, à prendre la tête du premier syndicat de France. En tant que secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon succèdera à Laurent Berger qui passe la main après plus de dix ans en première ligne. Le choix de la continuité.

Son arrivée à la tête de la CFDT n’est pas une surprise : elle était la numéro deux de Laurent Berger depuis le congrès de Rennes en 2018. À l’époque, elle est élue par les adhérents avec 97,97% des suffrages. C'est à peine moins que les 99% qu’elle avait obtenu quatre ans plus tôt lorsque, à 37 ans, elle était devenue secrétaire nationale en charge des questions industrielles. Elle est alors la mieux élue des dix membres de l’instance dirigeante de la CFDT.

Marylise Léon connaît bien l’industrie. Elle est titulaire d’un DESS « Qualité chimique et biologique des atmosphères », l’équivalent d’un master. Après ses études, elle rejoint un cabinet de conseil où elle travaille sur les questions de sécurité environnementale en entreprise. Une période au tout début des années 2000, marquée par l’explosion accidentelle de l’usine AZF de Toulouse, le 21 septembre 2001. L’événement met au cœur des débats la question de la sécurité, notamment environnementale, des sites industriels. Deux ans plus tard, consciente de ses lacunes, la fédération chimie-énergie de la CFDT lui demande de former les militants sur ces questions.

Sensibilisée très tôt aux questions d’environnement

Un parcours qui la sensibilise aux questions d’environnement et de transition climatique quand celles-ci n’étaient pas encore à la mode. « Si on veut changer l’économie, la mettre au service de l’écologie et de la lutte contre les injustices sociales, ça ne peut pas être "fromage ou dessert", expliquait-elle en 2020. Ce qui veut dire qu’on va être confronté à des dilemmes : lorsque vous avez des secteurs entiers carbonés qui doivent aller vers une transition écologique, il va y avoir des enjeux en termes d’emploi et de travail. » La solution, veut-elle croire, c’est « la qualité du dialogue social » pour « associer les gens aux décisions qui les concernent ». Sa philosophie. En 2015, en amont de la COP21, la conférence de l’ONU sur le climat qui se déroule à Paris, elle publie même un article académique détaillant une « approche syndicale du Développement durable ».

Marylise Léon prendra la tête du premier syndicat de France le jour du solstice d’été. Comme le symbole d’une page qui se tourne après un hiver et un printemps social bouillants. Une période que Laurent Berger a résumée d’une formule quasi oxymorique : « Une défaite productive. » D’un côté, les syndicats sortent vaincus : la réforme des retraites est passée, sans vote à l’Assemblée nationale, dans la douleur, mais elle a été adoptée et à partir de septembre, elle va s’appliquer. De l’autre, cela fait longtemps que les syndicats n’avaient pas été aussi populaires, ils engrangent à nouveau des adhésions et surtout, ils ont réussi à bâtir une intersyndicale solide. Et c’est en partie grâce au travail de Marylise Léon.

Construire l’intersyndicale sans coup fourré

« Marylise a été en responsabilité pour conduire l’intersyndicale contre la réforme des retraites pour la CFDT et moi, j'avais ce rôle pour la CGT », explique Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT. Toutes les deux se connaissent donc très bien. « Nous avons des relations de confiance, très amicales. Elle avait la détermination de construire l’intersyndicale de manière franche et sans coup fourré. » Même son de cloche chez Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) : « On connaît très bien Marylise, elle a fait la preuve d’une grande ouverture d’esprit. C’est quelqu’un qui est prêt à discuter autant que Laurent Berger. Je ne doute pas qu’on aura avec elle la même capacité à travailler sur ce qui nous unit. »

L’échec de la mobilisation à faire reculer le gouvernement va-t-il créer des brèches dans l’intersyndicale ? On a pu entendre, notamment dans les manifestations ou au sein des fédérations, certains et certaines regretter que l’intersyndicale n’ait pas fait le choix de durcir le mouvement. Début mars, quand les responsables syndicaux appellent à « mettre la France à l’arrêt », Marylise Léon temporisait aussitôt : « L’idée n’est pas de bloquer la France mais de bloquer cette réforme. » Les mauvaises langues en ont déduit que c’est la CFDT qui freinait des quatre fers.

Critique balayée par Catherine Perret : « Il n’y avait pas de divergence majeure sur la stratégie des luttes, assure-t-elle aujourd’hui. Le 7 mars, l’ensemble des 13 organisations, toute l’intersyndicale a appelé à la grève. De mémoire de syndicaliste, ce n’était jamais arrivé. Mais force est de constater qu’on n’a pas réussi à mettre le pays à l’arrêt. » Dans ces conditions, impossible selon elle de « passer un cap supplémentaire ». L’arrivée de Marylise Léon à la tête de la CFDT, tous ceux à qui nous avons parlé en sont convaincus, est au contraire le gage de la continuité, y compris dans le dialogue intersyndical.

Une succession préparée de longue date

Laurent Berger la prépare à sa succession depuis longtemps. C’est en tout cas l’impression qu’a eu François Rebsamen. En 2014, il était le ministre du Travail de François Hollande. À ce titre, l’ex-socialiste a souvent rencontré les syndicats, notamment pour les négociations sur la rénovation du dialogue social entre le Medef et les représentants des salariés. Il se souvient que Marylise Léon accompagnait presque toujours Laurent Berger, et il a eu l’impression d’assister à un début de transmission. « C’est une femme précise dans ses propositions, sincère et qui cherche toujours des solutions », se souvient l’actuel maire de Dijon.

« Malheureusement à l’époque, je ne veux pas dire du mal, mais on avait un responsable du patronat, Pierre Gattaz, qui était particulièrement difficile à bouger. Mais avec opiniâtreté elle est tout de même parvenue à obtenir des avancées. Au prix de compromis, mais c’est ça le sens de la négociation et c’est bien l’esprit de la CFDT. » Laurent Berger, lui-même est « serein » au moment de passer la main. Il l’a dit à RFI lors de la dernière grande manifestation contre la réforme des retraites, le 6 juin 2023. « C’est une grande militante, une responsable aguerrie, elle a de l’expérience : elle est prête, assure-t-il. C’est la vie d’une organisation démocratique normale de passer la main de façon apaisée. Moi je suis très fier que la CFDT soit capable de le faire et d’avoir demain une secrétaire générale. »

Plus de 20 ans après Nicole Notat, une femme à la tête de la CFDT

Pour la CFDT, ça n’est pas une première : de 1992 à 2002, Nicole Notat avait dirigé le syndicat, accompagnant aussi son virage « réformiste ». « Nous étions un peu précurseurs, rappelle Evelyne Rescanières, secrétaire générale de la Fédération CFDT Santé Sociaux. Aujourd’hui, nous avons un peu plus de femmes que d’hommes adhérents, donc c’est un juste retour des choses. » Elle n’est pas non plus inquiète de voir Laurent Berger passer la main. « Marylise est dans le paysage depuis longtemps, elle est bien identifiée des adhérents, elle a un bon contact avec les militants et les structures. On se doutait que ça allait se passer comme ça et c’est plutôt rassurant de pouvoir organiser une transition sereine dans un contexte social compliqué. »

Son arrivée, après celle - plus agitée - de Sophie Binet à la tête de la CGT, va aussi contribuer à dépoussiérer un peu une intersyndicale encore trop masculine. « Je n’étais pas très fier d’être sur des photos où il y avait beaucoup d’hommes et peu de femmes, reconnaît au micro de RFI Benoît Teste de la FSU. C’est une très bonne chose que l’intersyndicale se féminise et qu’on puisse donner une image un peu plus normale de ce qu’est la société et le syndicalisme. »

« Les syndicats sont sortis de leurs grottes préhistoriques », s’amusait elle-même Marylise Léon. Et si « le combat syndical n’est pas un sprint mais une course de fond », pour reprendre une formule de Laurent Berger, il n’y a pas de quoi l’effrayer : la course à pied, elle connaît. Sur internet, on trouve encore la trace de ses performances passées. En 2018, par exemple, elle a couru le semi-marathon de Paris en 2 heures, 5 minutes et 24 secondes. Dans quelques jours, commence pour elle une course de plus longue haleine encore.

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